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Conscience et Culture
4 septembre 2006

Pour en savoir plus sur le cas de Mumia

PHILADELPHIE, PENNSYLVANIE

La capitale historique des Etats-Unis d'Amérique, où fut signée la déclaration d'Indépendance, est en passe de devenir la capitale de la répression policière. Près de 150 condamnés à mort attendent leur exécution en Pennsylvanie, 60% sont noirs (alors qu'ils ne représentent que 6 à 9% de la population de cet Etat).

Quant à la police de cette ville, elle est sur le banc des accusés : corruption, manipulations... Au point que le FBI, la police fédérale, a ouvert une enquête sur les pratiques policières a Philadelphie.

C'est cette police même qui persécute depuis 20 ans la communauté Move, allant jusqu'à tuer 11 personnes (dont 5 enfants), en lâchant par hélicoptère une bombe incendiaire sur leur maison.

C'est cette police même qui commet régulièrement des actes de répression et de violence vis-à-vis de la population noire, et des militants qui agissent pour Mumia.

C'est cette police même qui a arrête Mumia, manipulé son procès, et qui milite aujourd'hui pour son exécution.

QUI EST MUMIA ABU JAMAL ?

Mumia et trois de ses amis, ont 13 ans, lorsqu'ils quittent le ghetto Nord de Philadelphie pour se rendre au Stadium, pour protester contre la venue de Georges Wallace, candidat à

la Maison Blanche

et partisan de la "suprématie blanche". Ils en ressortait sous les huées des spectateurs. Une fois dehors ils sont agressés pari un groupe de huit ou dix adultes. Insultés, ils se retrouvent vite à terre, assaillis de coups de pieds. Instinctivement, Mumia se met à crier, "police, au secours", il lève la tête vers celui qui lui décoche des coups de pieds dans la figure, et découvre un homme en uniforme. "Je voue une éternelle reconnaissance à ce flic anonyme, car son coup de pied m'a expédié tout droit chez les Panthères Noires". Au début des années 70, Mumia devient ainsi responsable de l'information des Panthers à Philadelphie. Il est de tous les combats pour les droits civiques de la minorité noire, avant de quitter le parti lorsque celui-ci "s'éloigne de sa base populaire". Ses talents de journaliste le conduisent à devenir animateur sur une radio. Il deviendra bientôt le directeur de l'information. Ses papiers sur les droits civiques, contre les brutalités policières, contre le racisme et la pauvreté lui vaudront bientôt le surnom de "voix des sans voix" de la part de la communauté noire de Philadelphie.

L'AFFAIRE MUMIA ABU JAMAL.

Le 09 décembre 1981. Depuis quelques années, Mumia est contraint de faire le taxi dans les rues de Philadelphie, pour boucler ses fins de mois. Ce jour là, alors qu'il conduit un client, il assiste à une altercation entre des policiers et son frère. Ce dernier se fait bientôt tabasser par les policiers présents. Mumia sort de la voiture et se précipite vers le lieu de l'altercation. Il tente de s'interposer. L'affaire tourne au drame lorsqu'une fusillade éclate. Le policier Daniel Faulkner est retrouvé mort, tué par 3 balles. Mumia est grièvement blessé. Inconscient, il est emmené au Commissariat.

C'est le début de "l'affaire Mumia Abu Jamal". Le journaliste noir est accusé du meurtre d'un policier blanc : il sera condamné a mort en juin 1981, à la suite d'un procès inique.

LE PROCES

Six mois plus tard, au cours du procès, les témoins vont revenir sur leurs premières déclarations et accuser Mumia Abu Jamal. Ce sont sur ces accusations et uniquement sur elles que Mumia sera condamné, puisque aucune preuve de sa culpabilité n'existe. Que s’est-il passé entre temps ?

Les trois témoins étaient en mal avec la justice. Le chauffeur de taxi était sous le coup d'une inculpation (il était accusé d'avoir lancé un cocktail Mololov dans la cour d'une école). Le juge SABO a "omis" d'informer les jurés de ce fait. Au printemps 1996, les enquêteurs appointés par la défense de Mumia ont retrouvé Véronica Jones, l'une des deux prostituées. Elle affirme aujourd'hui sous serment avoir menti lors du procès de juin-juillet 1982 parce que soumise à des pressions policières. Au moment du procès, Véronica est elle même en prison et risque 15 ans de détention. Elle affirme que des policiers sont venus la voir dans sa cellule et lui ont proposé sa libération, en contre partie elle devait accuser Mumia et "oublier" l'homme en fuite. Alors mère de trois enfants en bas âge, Véronica accepte. Libérée, elle change de nom et disparaît pendant 15 ans.

Le juge Sabo décide de priver Mumia Abu Jamal de son droit constitutionnel d'assurer sa propre défense : Mumia avait acquis une solide expérience de la justice et du droit en tant que chroniqueur judiciaire. Le travail de la défense a été et est toujours systématiquement entravé. Alors que la police a interrogé 125 témoins, l'avocat de Mumia, alors commis d'office s'est vu refuser tout accès à ces témoins. Pour effectuer sa propre enquête, il a reçu du tribunal la somme dérisoire de 150 dollars lui interdisant ainsi de recourir à un enquêteur spécialisé.

Lors du procès, le procureur sort de son sac un nouveau témoin à charge : le policier qui a escorté Mumia Abu Jamal à l’hôpital. Dans ses premiers rapports datés du 9 décembre 1981 puis du 16 décembre 1981, ce policier ne mentionne aucune déclaration particulière faite par Mumia (pour la bonne raison que celui-ci est inconscient !). Puis dans un troisième rapport daté du 9 février 1982 soit 64 jours après les faits, ce même policier déclare que Mumia a avoué le meurtre. En juin 1982, ce policier cité a comparaître par la défense ne se présentera pas devant le tribunal. Ses supérieurs font savoir qu'il n'est pas joignable parce que parti en vacances. Depuis il a admis qu'il avait eu "une réunion de préparation" avec le procureur avant du fournir sa déclaration accablante. Il a également admis que ses dates de "vacances" avaient été modifiées par le procureur ; de plus celui-ci avait ses coordonnées qu'il n'a pas transmises à la défense.

Toutes ces manipulations ne suffisant sans doute pas, le procureur a déplacé le débat en rappelant le passé militant de Mumia Abu Jamal, créant une sorte de cause à effet entre le passé politique et le meurtre du 4 décembre. Commises dans d'autres procès, ces insinuations ont été considérées comme des irrégularités juridiques et ont abouties à des annulations de sentence. Pas pour Mumia Abu Jamal. Tous les journalistes qui ont enquêté sur cette affaire et s'écartaient de la thèse d'accusation ont fait l'objet de pressions et de menaces, tout comme 9 des enquêteurs de la défense et les témoins tels la poétesse Sonia Sanchez ou un propriétaire de garage qui a dû quitter la ville.

LA PEINE DE

MORT AUX ETATS UNIS : UN CRIME RACISTE

Le racisme a constitué et continue de constituer une donnée fondamentale dans la condamnation de Mumia, comme il constitue une donnée fondamentale dans l'application de la peine de mort aux Etats-Unis.

Le jury ne comprenait que 2 noirs sur 12 jurés (le Procureur a usé 11 fois de son droit de récusation non motivé pour exclure des jurés noirs), contrairement aux principes constitutionnels qui veulent qu'une personne soit jugée par un "jury de ses pairs". Quant au juge Sabo, il s'agit d'un ancien officier de police, membre de l'ordre fraternel de la police, syndicat raciste d'extrême droite auquel appartenait le policier Faulkner. Sabo est donc dans cette affaire juge et partie. Il se vante d'avoir à son palmarès le plus grand nombre de condamnations à mort des Etats Unis dont 99 % de "non blancs.". Le procès s'est déroulé dans un climat de haine raciale et le procureur s'est constamment appuyé sur le passé de Mumia au sein des Black Panthères pour obtenir la peine de mort.

Le rapport publié en mai 1998 par le centre d'information sur la peine de mort (DPIC), organisation indépendante basée a Washington accuse le caractère racialement discriminatoire de la peine de mort. 76% des peines de morts requises au niveau fédéral ont été prononcées contre des accusés issus de minorités ethniques. Ce rapport souligne que 98% des procureurs qui décident ou non la mort sont blancs, 42% des condamnés sont noirs alors que les Noirs ne représentent que 12% de la population américaine. On compte actuellement, dans les différents couloirs de la mort 22,62 % de Noirs accusés d’avoir tué une personne blanche et 1,1 % de Blancs accusés d'avoir tué une personne noire. Les disparités raciales les plus importantes se retrouvent dans les cas de "crimes de gravité moyenne" ; dans ces cas là, les personnes reconnues coupables de meurtre d'un Blanc risquent 20 fois plus la mort que celles qui ont tué un noir.

75 % des personnes reconnues coupables d'infraction à la loi fédérale relative à la drogue sont blanches et 24 % noires, pourtant, parmi les condamnés à mort relatifs à cette loi 78 % sont noirs et 11% blancs.

L'article 3-7a de

la Convention

internationale relative aux droits de l'enfant stipule "la peine capitale ne peut être prononcée pour les infractions commises par des personnes âgées de moins de 18 ans au moments des faits". Les Etats-Unis est le seul pays avec

la Somalie

à ne pas avoir ratifié cette convention et à exécuter des mineurs au moment des faits. Tous les mineurs exécutés sont noirs et leurs victimes blanches ; ils ont tous été condamnés par un jury composé uniquement de Blancs.

89% des exécutions pour viol (alors que

la Cour

suprême des Etats-Unis a déclaré inconstitutionnelle la peine de mort pour viol) sont des Noirs accusés d'avoir violé une Blanche : il n'y a pas un seul cas de condamnation à mort de Blanc accusé d'avoir violé une Noire.

En Pennsylvanie, l'Etat qui a condamné Mumia, 62 % des condamnés à mort sont noirs alors que la population noire ne représente que 9% dans cet état.

MUMIA ABU JAMAL NE DOIT PAS MOURIR

Dans les prochaines semaines, le juge Yohn. en charge de la procédure d'appel, fixera la date d'une audience contradictoire. C'est au cours de celle-ci, en présence de Mumia. qu'il décidera si les témoins subordonnes et manipulés par la police pourront revenir sur leurs témoignages. Il décidera surtout s'il fait siennes les décisions de son prédécesseur le juge Sabo qui a toujours rejeté toute demande de révision du procès. Si les témoins pouvant apporter lu preuve de l'innocence de Mumia ne sont pas entendus, il n'y aura pas de nom au procès. Alors, du fait de la loi "pour l'application effective de la peine de mort" signée par Clinton en 1996. seule la solidarité pourra alors sauver Mumia Abu Jamal de l'exécution. Depuis les 18 années que Mumia a passé dans le couloir de la mort, les jours à venir représentent probablement la période la plus critique. Il faut donc nous faire entendre plus fortement encore des autorités judiciaires et politiques américaines dans cette période décisive.

Mumia symbolise la résistance à tout ce qui est pourri dans la justice américaine.

Angela Y. Davis, Alliance Nationale Contre le Racisme et

la Répression Politique

, professeur à l'Université de Californie à Santa Cruz.

« Alors que nous connaissons un essor sans précédent de l'expansion des prisons aux États-Unis, il est plus important que jamais de résister à la répression, initiée par le gouvernement, qui est ancrée dans le sys­tème de justice pénale.

Comme les temps sont venus d'une transformation radicale du système dans son entier-celle-ci étant vitale pour un avenir véritablement démo­cratique - le cas de Mumia Abu Jamal exige l'attention de tous les mili­tants et intellectuels progressistes.

L'épreuve cauchemardesque, imposée à Mumia depuis 15 ans par la poli­ce, le système carcéral et les tribunaux de Philadelphie, symbolisent tout ce qui est pourri dans la justice américaine : il a été exposé à un racis­me virulent et flagrant, consacré par l'État, et à la censure politique. En tant que dirigeant et intellectuel radical, ses réponses ont toujours été lumineuses et droites. »

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